Elles
sont presque des êtres animés. Des servantes ? Peut-être. Mais douées
d’un génie énergique et libre, d’une physionomie – visages sans yeux et
sans voix, mais qui voient et qui parlent. Certains aveugles acquièrent à
la longue une telle finesse de tact qu’ils sont capables de discerner,
en les touchant, les figures d’un jeu de cartes, à l’épaisseur
infinitésimale de l’image. Mais les voyants eux aussi ont besoin de
leurs mains pour voir, pour compléter par le tact et par
la prise la perception des apparences. Elles ont leurs aptitudes
inscrites dans leur galbe et dans leur dessin : mains déliées expertes à
l’analyse, doigts longs et mobiles du raisonneur, mains prophétiques
baignées de fluides, mains spirituelles, dont l’inaction même a de la
grâce et du trait, mains tendres. La physiognomonie, jadis pratiquée
avec assiduité par les maîtres, eût gagné à s’enrichir d’un chapitre des
mains. La face humaine est surtout un composé d’organes récepteurs. La
main est action : elle prend, elle crée, et parfois on dirait qu’elle
pense. Au repos, ce n’est pas un outil sans âme, abandonné sur la table
ou pendant le long du corps : l’habitude, l’instinct et la volonté de
l’action méditent en elle, et il ne faut pas un long exercice pour
deviner le geste qu’elle va faire.
Extraits de
“ Eloge de la main” (1934) par Henri Focillon (1881-1943)
“ Eloge de la main” (1934) par Henri Focillon (1881-1943)
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