Ni Guru ni Maître… Ces quelques mots, souvent prononcés par Jean Dubuis, traduisent clairement la façon dont il conçoit sa mission : désocculter la connaissance et la transmettre dans un esprit de liberté, proposer des outils pour marcher dans le sens de son Devenir, rappelant que pour comprendre Le Grand Livre de la Nature, deux choses sont nécessaires : « une tête bien faite et un coeur généreux ». Il invite au « Ora et Labora » (« médite et travaille »). Ainsi, est toujours sienne la devise du Bouddha Gauthama : "Ne crois rien parce qu'on t'aura montré le témoignage écrit de quelque sage ancien. Ne crois rien sur l'autorité des Maîtres ou des Prêtres. Mais ce qui s'accordera avec ton expérience et après une étude approfondie satisfera ta raison et tendra vers ton bien cela tu pourras l'accepter comme vrai et y conformer ta vie".

dimanche 14 février 2010

Passe sans Porte, an 1229, 48 kôan anciens, Règle 6/48: LE VENERE DU MONDE TORD LA FLEUR.














Jadis, le Vénéré du monde (I) montra une fleur en la tordant à une congrégation assemblée sur le Mont des Vautours. Alors, tout le monde observa le silence. Cependant, seul le Vénérable Mahâkâsyapa sourit largement. Le Vénéré du monde dit :

« J'ai « Le magasin de l'oeil mental de la vraie Loi » et la porte d'entrée de la Loi subtile (l'Esprit nirvânique et l'aspect réel sans aspect). Elle n'est pas exprimée par l'écriture, mais est transmise spécialement hors de la doctrine. Je la trans¬mets à Mahâkâsyapa. »

Réflexions badines de Wou-men

Gautama (2) au visage jaune, insolent comme s'il n'y avait personne autour de lui, dédaigne les hommes pieux; il suspend des têtes de mouton devant sa boutique, mais vend la viande de chien. J'espérais qu'il ferait des prodiges. Seulement, si tout le monde souriait à ce moment là, comment Gautama transmettrait-il « Le magasin de l'oeil mental de la vraie Loi » ? Si Mahâkâsyapa ne souriait pas, comment Gautama transmettrait-il cette fois « Le magasin de l'oeil mental de la vraie Loi » ? Si vous dites que. K Le magasin de l'oeil mental de la vraie Loi peut être transmis, vous êtes un rustre trompé par le vieux maître au visage jaune. Si vous dites qu'il ne peut pas être transmis, pourquoi Gautama admet-il Mahâkâsyapa seul? Voici mon poème

Lorsque Gautama tord la fleur, Sa queue est déjà découverte.
Sa queue est déjà découverte.
Mahâkâsyapa sourit.
Nul autre, terrestre ou céleste, ne le comprend.

Notes explicatives

Mahâkâsyapa était le premier des dix grands disciples du Bouddha. Après la mort du Bouddha, il fut mis à la tête de la confrérie et présida l'ensemble des réunions connues sous le nom de « premier concile » bouddhique. Bien que d'autres moines et laïcs fussent absorbés par la cérémonie funéraire du Bouddha ou par l'offrande, il déclara :

« Nous n'avons pas affaire aux os de Diamant (on appelle le Bouddha ainsi). Nous devons collectionner les essences de la Loi et ne devons pas en interrompre la succession. »

Ainsi il dirigea, par ses interrogations, la récitation de la Discipline (Vinaya) et de la Loi (Dharma), Oupali répondant pour la première, Ananda pour la seconde et établit la base des livres sacrés, édités plus tard. Mahâkâsyapa était un mendiant pur et parfait. Il n'habitait pas parmi les hommes, mais là où s'élevaient les tertres funéraires. Il ne recevait pas l'aumône de l'habit, mais il ramassait des chiffons jetés dans le cimetière et les raccordant, il les portait. Il ne se nourrissait que deux fois par jour. Il est significatif que l'école du Zen désigna ce Mahâkâsyapa pour successeur direct de la Loi du Bouddha et non pas, par exemple, Ananda le plus érudit parmi ses disciples.

Le principe du Zen est fondé sur l'essence des enseignements du Bouddha, bien que quelques Occidentaux pen sent que le Zen n'est pas bouddhique. On peut le voir aisément dans le Sermon de Tetsugen (Zéniste japonais, 163o-1682) . Il explique systématiquement la pensée du Zen, utilisant la formule du bouddhisme indien du Vide des cinq agrégats :

Matière, Impressions, Concepts, Formations mentales, Conscience. Il y mentionne plusieurs fois des passages des Sûtra :
le Sûrangama-sûtra, l'Amitâbha-sûtra, le Saddharmapundarîka-sûtra, le Nirvâna-sûtra, le Sûtra de Diamant, le La-kâvatâra-sûtra etc. Après avoir critiqué le confucianisme et la taoïsme, il nous montre que le dialogue du zéniste est le résumé bref du noyau des Sûtra innombrables de l'Inde (Voir la traduction de l'auteur du « Sermon de Tetsugen sur le Zen », Risosha, Tokyo, 196o).

Dans son grand ouvrage :

« Le Magasin de l'Œil mental de la vraie Loi », Dôgen (fondateur de l'école Sôtô du Zen au japon, 1200-1253) attire notre attention sur le fait que dans cette Règle 6 le Vénéré du monde n'a pas dit de transmettre « le Zen », mais « le magasin de l'oeil mental de la vraie Loi ». Dôgen détestait ardemment que l'on appela son école : Zen; car pour lui il n'y avait que la Voie du Bouddha ; il était suffisant pour lui de s'appeler bouddhiste. Si les zénistes chinois et japonais considéraient cette transmission entre le Bouddha et Mahâkâsyapa comme l'origine de l'école du Zen, cela signifie que le Zen est l'essence de la Voie du Bouddha, c'est-à-dire du bouddhisme. La transmission de la Loi entre le maître et le successeur est intacte et intégrale, comme l'eau transvasée d'un récipient en un autre ou comme deux miroires se réfléchissant, sans images, l'un l'autre. Ils sont deux, mais un. On n'y distingue pas les aspects du maître, transmettant la Loi, et du successeur, en transmis. Ici réside le problème essentiel qu'on doit éclairer dans cette Règle; on ne doit pas s'attacher à cette fleur.

Pour éclairer cette transmission sans aspect Wou-men pose deux embrouillements contradictoires dans ses réflexions badines. Si on arrive à connaître la Loi unique dont chacun est pourvu foncièrement et où le transmetteur et le sucesseur se dissolvent en un, on ne sera pas troublé par ces complications.
« Sa queue est déjà découverte , :

l 'esprit du Bouddha n'est pas du tout caché, mais exposé à nu.


(1) Le Vénéré du monde, un des dix noms du Bouddha.
(2) Gautama, nom patronymique du Bouddha. Wou-men appelle le fondateur du bouddhisme par son nom, sans titre honorifique. C'est la façon de procéder de l'école du Zen.