Ni Guru ni Maître… Ces quelques mots, souvent prononcés par Jean Dubuis, traduisent clairement la façon dont il conçoit sa mission : désocculter la connaissance et la transmettre dans un esprit de liberté, proposer des outils pour marcher dans le sens de son Devenir, rappelant que pour comprendre Le Grand Livre de la Nature, deux choses sont nécessaires : « une tête bien faite et un coeur généreux ». Il invite au « Ora et Labora » (« médite et travaille »). Ainsi, est toujours sienne la devise du Bouddha Gauthama : "Ne crois rien parce qu'on t'aura montré le témoignage écrit de quelque sage ancien. Ne crois rien sur l'autorité des Maîtres ou des Prêtres. Mais ce qui s'accordera avec ton expérience et après une étude approfondie satisfera ta raison et tendra vers ton bien cela tu pourras l'accepter comme vrai et y conformer ta vie".

mardi 12 juin 2007

Passe sans Porte, an 1229, 48 kôan anciens














QUID D' UN KOAN ?


" Le Kôan est un problème que le maître donne à résoudre aux étudiants. Il signifie littéralement « document public » ; le zéniste a emprunté ce mot officiel, car le kôan sert à éprouver l'authenticité de l'illumination qu'un étudiant prétend avoir atteinte. Si l'on réussit à résoudre clairement ces kôan, l'illumination est juste. Sinon, on est atteint d'une maladie mentale et l'on tombe dans une ornière. Donc, le kôan n'est pas une simple énigme; au contraire, il est indispensable pour approfondir l'exercice jusqu'au point ultime et pour enrichir cette Illumination des divers aspects de la Vérité. Bien que I' Absolu soit un, il a beaucoup d'aspects divers non obtention, instantanéité, éternité, mon Visage originel, non-souillé, créateur, liberté absolue etc. Des kôan assez nombreux doivent être établis pour L'éclairer sous ces divers aspects. Surtout, quand on prête attention à l'état psychologique du disciple et aux stratagèmes du maître pour que celui-ci puisse arriver à l'Eveil, on peut étudier dans ces kôan la psychologie profonde de l'homme. A ce point de vue, le dialogue du zéniste est un trésor infini pour l'humanité. "

Wou-men, naquit à Hang-tcheou et il réalisa l’ illumination , voici la stance qu’ il fit à ce moment :

Un grondement de Tonnerre dans le ciel bleu et en plein jour.
La foule des hommes sur la terre ouvre ses yeux.
Tous les phénomènes de l’ univers se prosternent d’ un seul mouvement
Le Mont Sumeru gambade et danse une farabole


Il composa "Passe sans porte "

un choix de 48 kôan anciens.


Décédé à 78 ans en 1260.
Vers cette année-la le grand mystique allemand : Eckart, naissait).


Règle I / 48 . - LE CHIEN DE TCHAO-TCHEOU


Un moine demande au précepteur Tchao-tcheou « Le chien a-t-il aussi la Nature-de-Bouddha? » Tcheou lui répond : « Néant! »


Réflexions badines de Wou-men

Pour rechercher le Zen, vous devez franchir les pas­ses établies par les patriarches et les maîtres. Pour réaliser l'Illumination merveilleuse, il faut que vous alliez aux limites des passages de la conscience et les tranchiez. Sans franchir les passes établies par les patriarches, sans tran­cher les passages de la conscience, vous êtes tous des fantômes attachés aux herbes et aux arbres. Alors dites quelles sont les passes établies par les patriarches et les maîtres? Ce mot seul : « Néant ! », est la première passe de l'école du Zen. C'est pourquoi je donne à ce livre le titre de « Passe sans porte de l'école du Zen. » Ceux qui la franchissent et la dépassent rencontrent non seule­ment Tchao-tcheou lui-même, mais aussi tous les patriar­ches et tous les maîtres de l'histoire du Zen, avec lesquels ils marchent la main dans la main, voient les choses avec les mêmes yeux et les entendent avec les mêmes oreilles d'un même visage. Ne serait-ce pas une grande joie? N'y a-t-il pas quelqu'un qui veuille franchir la passe? Si oui, soulevez la masse de doutes de votre corps tout entier, avec ses trois cent soixante os et ses quatre-vingt-quatre mille pores et recherchez ce mot : » Néant ! » Portez-le constamment dans votre esprit, nuit et jour. Ne le prenez pas pour une simple vacuité. Ne le prenez pas pour une relativité d'être et de non-être. Ce serait comme avaler une boule de fer rouge; même si vous vouliez le rejeter, vous ne le pourriez pas. Epuisez vos fausses connaissances et fausses perceptions des années antérieures. Si vous arrivez à l'unicité naturelle entre intérieur et extérieur à la fin de la pratique purement mûrie pendant un temps assez long, vous pourrez en comprendre le sens. Vous ne le comprendrez que par vous-même, comme un muet qui rêve. De plus, en cas d'explosion soudaine, vous obtien­drez une si grande activité que vous pourrez étonner le ciel et la terre. Comme si vous pouviez arracher la grande épée au général Kouan (1) et l'ayant, vous tuiez le Boud­dha en le rencontrant et vous tuiez les patriarches en les rencontrant. Vous obtenez la grande liberté même au bord du précipice entre la vie et la mort et vous êtes en extase de jouissance pure, même dans le cycle des six Voies (2) et des quatre Naissances (3). Alors, comment porterez-vous ce problème dans votre esprit? En épuisant toute votre énergie habituelle, portez devant vos yeux ce mot :« Néant! » Si vous vous efforcez sans interruption, vous arriverez à l'Illumination, comme la lampe s'illumine au moment du contact. Voici mon poème :


La Nature-de-Bouddha dans le chien?
Proposition totale, ordre juste.
Si vous balancez même un instant entre être et non-être,
Vous perdrez votre vie.



Notes explicatives

Ce kôan de Tchao-tcheou (778-897) est le plus célèbre de l'école du Zen, car beaucoup de maîtres ont réalisé l'Eveil à l'aide de sa médition ardente. Tels sont : Wou­men lui-même, Bukkô [(1226-1286), maître chinois vivant à la fin de la dynastie des Song. Il vint au japon et fonda le monastère d'Engakuji à Kamakura. Je conseille au lecteur de se reporter au livre de M. Daisetz Teitaro Suzuki : «Essais sur le Bouddhisme Zen» (p. 324-327, pre­mière série), afin de le suivre sur le chemin de sa propre Illumination], et Hakuin [1689-1768), grand organisateur japonais de la méthode d'exercice des kôan. Tous les maîtres appartenant à l'école Lin-tsi au japon s'appuient encore aujourd'hui sur la méthode fondée par Hakuin].


D'abord, je citerai une partie de l'Orategama de Hakuin où vous trouverez le processus de méditation du mot « Néant !» de Tchao-tcheou et vous comprendrez par cet exemple le sens de chaque mot du commentaire de Wou-men.

« A dix-neuf ans, je (Hakuin) lus la « Louange de la religion authentique » où j'appris que le précepteur Yen­t'eou (828-887) fut tué par un brigand et que son cri s'entendit au-delà de trois li (un li équivaut à environ 600 mètres). L'ayant lue, je pensai : « Tout pénétrant que fût son cri, il ne put échapper au sabre du brigand. Hélas ! Même pour le précepteur Yen-t'eou - la licorne et le phénix parmi les moines, le crocodile et le dragon dans la mer du bouddhisme - il en est ainsi. Comment pour­rais-je échapper aux bâtons des démons de l'enfer après ma mort? S'il en est ainsi, à quoi la recherche du Zen et l'étude de la Voie servent-elles ? Le bouddhisme est tellement faux. Il est regrettable que j'aie fait partie de cette troupe diabolique. Comment dois-je faire mainte­nant? Ainsi j'étais plongé dans une grande angoisse et je ne mangeai pas de trois jours. J'abandonnai pour long­temps mon espérance dans le bouddhisme. Je regardais les statues du Bouddha et les livres sacrés comme s'ils avaient été de la boue. Je ne lisais que les livres mondains et je m'amusais dans la création poétique et la prose. Ainsi j'oubliais un peu mes peines. Plus tard, lorsque j'étais à Yo-shû, je lus les trois livres sacrés du Bouddha et j'examinai bien mes manquements. Je portais le mot « Néant ! » jour et nuit et ne me reposais jamais, même un seul instant. Je craignais seulement de ne pouvoir être pur, sans tache et « unifié en un », et aussi je craignais de ne pouvoir « être un » constamment, pendant l'éveil ou le sommeil. A vingt-quatre ans, au printemps, je me débattais dans la souffrance au monastère de Yegan, à Echigo. Je ne dormais ni jour ni nuit, j'oubliais à la fois de manger et de me reposer, quand, tout à coup, il se fit en moi une intense concentration de doutes. Je percevais une sensation d'extrême transparence comme si j'étais gelé à mort dans des couches de glace qui se seraient étendues sur des milliers de kilomètres. Je ne pouvais ni avancer ni me retirer. J'étais comme un être privé de raison, privé d'intelligence, et rien n'existait plus pour moi que le problème posé :« Néant! » Bien que j'assistasse aux sermons du maître, il me semblait que j'écoutais des discussions se tenant dans une salle exté­rieure et très lointaine ou encore que je les écoutais dans les airs. Plusieurs jours passèrent, j'étais toujours dans cet état, lorsqu'un soir la cloche d'un temple vibra qui renver­sa tout mon état mental. C'était comme le fracas d'un bloc de glace ou la chute d'une tour de jade. Quand je m'éveillai, j'étais moi-même le précepteur Yen-t'eou et, malgré les périodes de temps écoulées, celui-ci était tou­jours le même. Mes doutes antérieurs fondirent jusqu'au dernier comme de la glace. Je m'écriai à haute voix : « Quelle merveille' Quelle merveille ! Il n'y a plus ni naissance ni mort dont je doive me délivrer ! Il n'y a plus aucun Eveil (Bodhi) à poursuivre : Tous les kôan compliqués, traditionnels, au nombre de mille et sept cents, ne sont plus dignes qu'on s'en soucie! »

Il y a beaucoup d'autres exemples de la réalisation de l'Eveil sur l'ouïe d'un son, à la vue d'un paysage ou d'un mouvement du corps; mais le choc extérieur n'est pas absolument nécessaire pour aboutir à l'Eveil. L'essentiel est que l'exercice mûrisse purement, pendant un temps assez long, jusqu'à omettre le fond du « moi ». Voici un autre exemple tiré du « Fouet stimulant pour arriver au Zen ».

Le maître T'ie-chan Ngai (zéniste chinois de l'épo­que des Song) rapporte ceci : « A l'âge de treize ans, j'entendis parler du bouddhisme. Vers dix-huit ans je quittai la maison, et à vingt-deux je fus ordonné moine. J'allai d'abord à Che-chouang où j'appris que l'ermite Siang enseignait aux moines à contempler le bout de leur nez comme s'il était blanc et que cela les amenait à l'esprit pur. Plus tard, un moine apporta là, de chez Siue­yen, ses « Conseils sur l'exercice du Zen » que je copiai. Et je trouvai que ma méditation ne se développait pas selon le processus décrit dans cet ouvrage. J'allai donc auprès de Siue-yen et, suivant ses instructions, je m'exerçai exclusivement sur le mot « Néant !» de Tchao-tcheou. La quatrième nuit, tout mon corps fut trempé et mon esprit resta clair et lucide pendant un temps assez long. Même lorsque je retournais dans la salle, je ne conversais jamais avec les autres, me consacrant entièrement à l'exercice du Zen. Par la suite, je rencontrai le maître Kao-fong, qui me conseilla : « Qu'il n'y ait aucune inter­ruption dans ton exercice pendant les douze périodes du jour. Lève-toi au petit matin, cherche aussitôt ton kôan et tiens-le immédiatement devant toi. Quand tu sentiras la fatigue et que tu auras sommeil, lève-toi de ton siège et marche de long en large, mais même en marchant que ton kôan ne quitte pas ton esprit. Que tu sois en train de préparer ton siège ou de manger, ou occupé des affaires du monastère, ne manque jamais de tenir ton kôan devant toi. Si tu fais cela jour et nuit, tu seras unifié en un et il n'y a aucune personne qui ne découvre l'Eveil de cette manière. »Je poursuivis dans mon exercice selon ce conseil, et en effet, je parvins à l’ unification . Le 20 mars, Siue-yen monta en chaire : « Frères, quand vous avez sommeil sur les coussins, quittez votre siège, courez une fois, rincez-vous la bouche, lavez-vous le visage et les yeux à l'eau froide; puis retournez vous asseoir sur les coussins. Tenant votre colonne vertébrale droite comme le précipice, portez votre kôan exclusivement. Si vous con­tinuez ainsi votre effort, vous ne manquerez pas d'arriver à l'Illumination au cours d'une période de sept jours. C'est le moyen que j'ai employé déjà il y a quarante ans. » Je suivis donc son avis et trouvai que ma méditation avançait extraordinairement. Le deuxième jour, je ne pouvais fer­mer mes paupières, même si je le désirais; le troisième jour, il me semblait que je marchais dans la vacuité de l'espace; et le quatrième jour, toutes les affaires de ce monde cessèrent de me troubler. Cette nuit-là, je m'étais appuyé à la balustrade pour un moment, ma conscience s'évanouissait et je tombais en apathie. Quand j'examinai le kôan, il ne s'était pas perdu. Je retournai et me rassis sur le coussin, quand soudain je sentis que tout mon corps, de la tête aux pieds, était comme un crâne que l'on fend; il me semblait que j'avais été tiré du fond d'un puits profond de dix mille toises et tiré en l'air. 'Ma joie à ce moment-là ne connaissait pas de bornes.

Je racontai mon expérience à Siue-yen, mais celui-ci me dit :« Pas encore suffisant. Continue encore la médita­tion! » Lorsque je lui demandai ses instructions, il les termina ainsi :
« Si tu désires t'élever à la vérité suprême du Bouddha et des patriarches, un choc définitif te manque encore. Demande-toi en toi-même : comment un choc me manque-t-il encore? » Je ne pouvais croire ses paroles, et pourtant une ombre de doute s'insinuait dans mon esprit et je ne pouvais pas arriver à le résoudre. Je continuai mon exercice du Zen chaque jour me tenant comme une meule, pendant environ six autres mois. Un jour, j'avais mal à la tête et je me préparais un médicament, lorsque je vis un moine, nommé « Kio-le-nez-rouge », qui me demanda comment je comprenais le kôan du prince Nata (4). Je me souvins alors qu'un jour j'avais été interrogé sur le même sujet par l'hôtelier Wou, mais que je n'avais pu lui donner de réponse. Mais cette fois je brisai tout à coup cette masse de doute. Plus tard, j'allai auprès de Mong-chan, qui me demanda :« Dans la recherche du Zen, où as-tu atteint le point ultime en accom­plissant ton but? » En fin de compte, je ne sus que dire.
Chan me conseilla une fois encore de poursuivre la médi­tation concentrée et de me purifier totalement des pous­sières de la mondanité. Chaque fois que j'entrais dans sa cellule et essayais de dire un mot, il prononçait seule­ment :« Quelque chose manque! » Un jour, je commen­çai mon exercice du Zen à quatre heures environ de l'après-midi et continuai jusqu'à quatre heures du matin, et, à la force du pouvoir de concentration, j'atteignis un état subtil d'extase extrême. Lorsque j'en sortis, je vis Chan lui-même et lui en parlais. Il me demanda : « Quel est ton visage originel? v Et j'allais répondre lors­qu'il me ferma la porte au nez. Après cela, ma méditation avança chaque jour par des états mentaux magnifiques.
Bien qu'ayant quitté Siue-yen trop tôt, sans avoir pu accomplir la méditation minutieuse, maintenant j'avais pu parvenir à ces états présents, grâce à l'heureuse ren­contre de mon maître actuel. En vérité, si la méditation est faite dans un état suffisamment tendu et abrupt, les réalisations viennent fréquemment et un nouveau dépouil­lement se fait à chaque pas en avant. Un jour je vis sur le mur « L'Inscription de la Foi en l'Esprit », oeuvre du troisième patriarche :« Lorsqu'on retourne à la racine, on obtient le sens. Lorsqu'on suit la connaissance objective, on perd l'essence »; alors eut lieu un nouveau dépouillement, Chan dit : « L’ étude du Zen est pareil au polissage d’ une gemme ; plus la gemme est polie, plus elle brille; plus elle est clarifiée, plus elle est pure. Polis-toi de plus en plus! Cela surpasse les efforts accumulés pendant la longue période des autres vies. » Mais chaque fois que je tentais de prononcer un mot, le maître déclarait seulement : « Quel­que chose manque! » Un jour, pendant la concentration profonde, j'entrai soudain en contact intime avec ce « quelque chose qui manque ». Mon corps et mon esprit se sentirent librement détendus jusqu'au fond de mes os et de leur moelle. C'était comme si je voyais le soleil surgissant soudain à travers les nuages chargés de neige, et brillant avec éclat. Ne pouvant me contenir, je sautai de mon siège et je saisis Chan de mes mains en criant : « Que me manque-t-il encore?» Il me donna trois tapes et je m'inclinai trois fois. Chan dit : « O Tie-chan, pen­dant bien des années tu as cherché ceci. Aujourd'hui, enfin, tu as terminé. »

Wou-men loue dans son poème la réponse de Tchao-­tcheou qui est la proposition totale de la vérité du boud­dhisme et l'ordre juste pour anéantir notre ignorance. Mais dans ce but, comme les exemples de Hakuin et de T'ie-chan Ngai nous le montrent, il faut contempler ce mot «Néant » sans s'occuper de la dualité.


(1) Le général Kouan (Kouan Yu, de Chou) (?-219) vivait à l'épo­que des Trois-Rovaumes. Il était vendeur de fèves, mais en 184 il fit parti des troupes de Lieou Pei et devint un héros fameux. On dit de lui que : même parmi un million d'ennemis, il prit aisément la tête du général adverse avec sa grande épée comme s'il avait cherché le contenu d'un sac.
(2) Les six Voies, les mondes égarés où tous les êtres vivants transmigrent sans cesse : dieux, hommes. asuras (démon qui aime beaucoup la bataille), bêtes, trépassés faméliques et enfers.
(3) Les quatre Naissances. Il y a quatre sortes de naissances des êtres vivants : vivipare, ovipare, exsudative et métamorphique.
(4) Le prince Nata, déchirant sa chair la rendit à sa mère et, déchirant ses os, les rendit à son père, et alors, manifestant son propre corps originel, déployant ses pouvoirs miraculeux, prêcha la Loi pour le bien de ses parents.

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